Afin de pouvoir comparer sur les mêmes bases l’impact que peut avoir sur l’environnement un produit ou un service, une méthode standardisée s’est développée sous le nom d’analyse du cycle de vie. Au niveau international, elle est cadrée par les normes ISO 14040 et ISO 14044 de 2006.
Le principe est de comptabiliser les ressources utilisées et les émissions occasionnées à toutes les étapes de la vie du produit. L’ensemble de ces données est ensuite traduit en indicateurs quantifiables grâce à des modèles mathématiques. Ces indicateurs s’appliquent généralement à la fonction du produit et non au produit lui-même, ce qui permet de comparer plus facilement deux produits différents qui remplissent la même fonction. Au final, ce type d’études sert à mettre en lumière quel type d’impact est dominant ou quels sont les éléments ou les étapes qui pèsent le plus sur l’environnement, pour pouvoir agir sur les facteurs adéquats.
Méthodologie
En premier lieu, il s’agit de définir l’objectif et le périmètre de l’étude. Dans le cas du photovoltaïque, l’objectif est de comptabiliser les ressources utilisées et les rejets occasionnés pour la production de 1kWh d’électricité. Le résultat dépend donc de la production totale d’une installation, donc de la durée de vie et de la productivité du panneau, fonction de la technologie employée et de l’installation. Les résultats sont donnés par unité fonctionnelle (1kWh), ce qui permet de comparer les systèmes entre eux (ex : combien de g de CO2 est rejeté dans l’atmosphère pour la production d’un kWh avec un système photovoltaïque ou avec une centrale à charbon.) Le périmètre de l’étude est défini par l’ensemble des étapes ou processus de transformation qui interviennent pour que le système photovoltaïque remplisse sa fonction, du sable jusqu’au retraitement en fin de vie.
Puis on fait l’analyse de l’inventaire. Pour chaque étape, on fait la liste de tout ce qui entre et sort du système. Les « flux entrants » : les quantités d’énergie et de matière utilisées ; et les « flux sortants » : les rejets générés. Ils sont ensuite additionnés pour chaque type de flux (par ex : consommation d’eau, rejet de chutes de découpe d’aluminium…).
Durant l’évaluation de l’impact, les flux entrants et sortants sont combinés dans des catégories d’impact. Ces résultats sont autant d’indicateurs en termes de dommage environnemental. On retrouve généralement les axes suivants : - La demande cumulée en énergie primaire
- L’utilisation de ressources non renouvelables.
- Les Gaz à effet de serre
- La santé humaine
- Les écosystèmes
L’analyse du cycle de vie d’un système photovoltaïqueIl est admis par la communauté scientifique internationale que dans le cas du photovoltaïque, les étapes qui pèsent le plus dans le bilan concernent la fabrication des systèmes, et ce quelle que soit la technologie retenue. En effet, une fois en fonction, mis à part le remplacement éventuel des onduleurs, le système produit de l’électricité sans dommage notable pour l’environnement : ni bruit, ni vibration, ni consommation de combustible, ni production de déchets, d’effluents liquides ou gazeux…
Lors de la fabrication, l’impact le plus important sur l’environnement est dû à la consommation d’énergie. En effet, une partie importante de l’énergie utilisée est issue de combustibles fossiles, à l’origine de l’épuisement des ressources fossiles, de l’émission de gaz à effet de serre, et de l’émission de résidus de combustion provoquant pluies acides et dommages respiratoires. Dans le cas particulier du silicium cristallin, cette consommation est principalement due au très énergivore procédé de production de silicium polycristallin en réacteurs Siemens.
L’ensemble des dépenses énergétiques peut être exprimé en énergie primaire. L’énergie primaire est l’énergie puisée dans les ressources naturelles telles qu’on les trouve à l’état brut (pétrole, gaz, charbon, uranium, soleil, vent, biomasse etc.). Cette unité permet de prendre en compte les pertes inhérentes au mode de production d’énergie utilisée. Pour du silicium cristallin, il faut compter 30 à 35 000 MJ d’énergie primaire par kWc pour un système photovoltaïque complet. Exprimé autrement, on comptera environ 2500 kWh d’énergie finale(l’électricité facturée au compteur par exemple) par kWc installé.
L’énergie grise d’un système photovoltaïque exprimée en énergie primaire permet de calculer le temps de retour énergétique, par rapport à l’énergie habituellement utilisée à laquelle se substitue la production photovoltaïque. Il est généralement admis qu’il faut en moyenne 2 à 3 ans à un système photovoltaïque pour produire autant d’énergie qu’il en a fallu pour le fabriquer, cette durée étant fonction de l’ensoleillement. Bien entendu, les technologies se perfectionnant sans cesse, l’impact environnemental diminue à mesure que le rendement des cellules augmente et que les concepteurs de systèmes prennent soin d’optimiser la production.Etude ESPACE-PVL’Analyse du Cycle de Vie cofinancée par l’Ademe et initiée en 2008 dans le cadre du projet ESPACE-PV a permis de présenter plusieurs résultats représentatifs pour la France. Tous les détails et les résultats sont surhttp://www.espace-pv.org/
L’évaluation pour différents systèmes de la part des ressources consommées (exprimée en énergie primaire non-renouvelable consommée) et la contribution à l’effet de serre (ou l’empreinte carbone).
Empreinte carbone |
L’empreinte carbone est traduite à l’aide d’un indicateur en g CO2-équivalent par kWh produit, correspondant à la quantité de gaz à effet de serre émis lors de la fabrication du système divisé par sa production électrique pendant 30 ans. Le résultat obtenu dépend alors de la productivité du système, fortement liée à l’irradiation du lieu, et varie donc avec la région concernée.
L’importance des modules sur les impacts environnementaux de toutes les installations est dominante et souligne la nécessité d’optimiser les performances environnementales des étapes de fabrication de ceux-ci.
Énergie primaire non-renouvelable consommée
Il faut cependant signaler l’importance particulière de l’équipement de pose sur les émissions de CO2 éq. dans le cas de la technologie a-Si puisque sa superficie est doublée pour une même puissance installée. Une plus grande utilisation de métaux à fort contenu énergétique explique principalement ces résultats.
La comparaison pour différents mix énergétiques de l’impact lié à la fabrication des systèmes.
Elle apporte des éléments de réponse au questionnement sur la pertinence écologique de fabriquer des modules à partir d’électricité provenant de centrales à charbon.
A droite, l’exemple du silicium amorphe.
Émission de CO2 équivalent pour le silicium amorphe |
Constatant la multiplication des ACV PV, un groupe d’experts de l’agence internationale de l’énergie a souhaité harmoniser le choix des hypothèses de travail et des méthodologies adoptées. Un guide méthodologique sur l’analyse du cycle de vie de l’électricité photovoltaïque de systèmes raccordés au réseau a été diffusé en octobre 2009.Telecharger le PDF
Ce guide propose des recommandations sur les caractéristiques techniques relatives aux systèmes photovoltaïques étudiés (durée de vie de 30 ans, composants du système photovoltaïque, ratio de performance de 75 %, un seul remplacement d’onduleur, irradiation moyenne de la zone concernée, etc.), sur l’approche méthodologique et sur les modèles d’analyse choisis (empreinte environnementale du kWh d’électricité injecté sur le réseau, catégories d’impact etc.) et enfin sur le format des résultats (mention des hypothèses utilisées, choix des indicateurs, etc).
Durant les 30 dernières années, des centaines d’analyses du cycle de vie ont ainsi été menées et publiées sur le photovoltaïque, des systèmes résidentiels aux fermes solaires, fournissant une large gamme de résultats. Le NREL (laboratoire national des énergies renouvelables, aux Etats-Unis) a effectué un travail de synthèse dans le souci de dégager les tendances et de réduire les écarts d’une étude à l’autre.
In fine, l’empreinte carbone d’un système photovoltaïque complet est évaluée à environ 44g CO2-eq/kW.
Empreinte carbone des différentes technologies photovoltaïques - données 2005-2006 |
Nota : les valeurs d’empreinte carbone publiées dans cette étude sont des valeurs médianes, et non moyennes, de références jugées scientifiquement recevables et valables. Ces valeurs ne sont donc pas pondérées par les parts de marché des différentes technologies, des divers modes d’installation (sol, toiture), par les gammes de puissances ou par les mix électriques des lieux de fabrication. Puisqu’elles ne sont pas représentatives d’installations réelles, mais le résultat d’un traitement statistique des données disponibles, elles doivent être utilisées comme un indicateur de tendances de la filière.Les valeurs qui en ressortent sont les valeurs médianes d’une série de valeurs références tirées de 13 études pour le silicium cristallin et de 5 pour les couches minces sur les 400 recensées. L’harmonisation des données a ensuite consisté à ramener les estimations d’émissions de gaz à effet de serre à un ensemble d’hypothèses de départ identiques, à savoir : irradiation de 1700 kWh/m2.an, rendement du module, ratio de performance de 0.75 ou 0.80 selon que le système soit intégré en toiture ou posé au sol, durée de vie de 30 ans et dégradation du rendement de 0.5 % par an. Enfin, l’étude concernant le silicium cristallin visait des modules cadrés, recyclage compris, pour un état de l’art technologique datant de 2005-2006, alors que celle sur les technologies couche minces envisageait des modules non cadrés, recyclage exclus. Cette méthode a permis de réduire la dispersion des résultats de 65 %.Sur l’ensemble du système
Le produit fini s’étend au delà du module. A l’énergie physiquement dépensée lors des étapes de fabrication des modules vient s’ajouter l’énergie grise et les rejets impactés par les autres éléments. Suivant les systèmes et leur type d’intégration, ces valeurs évoluent beaucoup. On peut cependant émettre quelques généralités :
Les onduleurs : du fait de l’électronique qu’ils contiennent en quantité grandissante, ainsi que des métaux utilisés pour les boîtiers, les onduleurs ont un impact important. L’augmentation de leur longévité peut permettre d’améliorer le bilan énergétique.
L’aluminium : Il est présent en petite quantité comme contact arrière des cellules photovoltaïques et en masse dans le cadre, la structure de montage et l’onduleur. La production d’aluminium est très consommatrice en énergie et génère des émissions d’hexafluorure de soufre ou SF6, gaz à effet de serre à très haut pouvoir réchauffant (coefficient de 22 200 contre 1 pour le CO2).
Le silicium : Il est l’enjeu le plus important de réduction de la consommation énergétique. Il faut 60 fois plus d’énergie pour produire du silicium solaire que du verre. Les pistes actuellement explorées sont l’amélioration des procédés de raffinage et la diminution de l’épaisseur des cellules.
L’argent : Présent en quantité limitée sur la planète, la taux de récupération et de recyclage de ce métal est, comme son prix, élevé. Il est utilisé dans les électrodes en face avant des cellules, les fournisseurs de pâtes de métallisation développant des amalgame sans Argent.
Substances dangereuses : parmi les substances les plus dangereuses, on trouve le plomb et le brome. Le plomb est présent dans les soudures ou les contacts électriques des cellules, des procédés de soudure alternatifs faisant leur apparition sur le marché. Le brome se trouve dans les matières plastiques de l’onduleur.
D’autres matériaux ne présentent pas de toxicité particulière mais ne sont pas valorisables en fin de vie ou présentent des ressources limitées. C’est le cas de l’EVA ou du Tedlar.
Enfin, de nombreux composés chimiques utilisés lors de la fabrication du silicium polycristallin et des cellules photovoltaïques imposent des conditions de manipulation adéquates garantissant la santé et la sécurité des travailleurs. Étant donné qu’ils donnent lieu à des rejets importants de polluants dans l’eau ou dans l’air, dont les plus importants sont les gaz à effet de serre du type CF4 ou des produits inorganiques tels que HF, HNO3, HCl, NH3 et NaOH, des systèmes de traitement sont mis en place sur les lieux de fabrication pour éviter tout rejet dans la nature.